Histoire naturelle de Philippson

Ludwig Philippson (1811–1889), rabbin et éditeur allemand du XIXe siècle publia en 1858, dans le contexte de la Haskala (mouvement des Lumières juives), une traduction en allemand de la bible hébraïque. Avec cet ouvrage comme avec ces autres publications tel que le journal Allgemeine Zeitung des Judentums qu’il créé en 1837, il se fait porte parole d’un mouvement profond de réforme du judaïsme allemand visant à plus d’intégration et une meilleurs diffusion du savoir. 

La bible de Philippson, Die israelitische Bibel, se distingue des autres éditions par la présence à la fois du texte hébreux et de sa traduction en allemand. L’ouvrage présentent également plus de 700 gravures sur bois dans un appareil scientifique élargi de notes et de références. Le monde de l’histoire naturelle (dans la tradition des XVIIIe et XIXe siècles) est représenté dans des images spécifiques de la flore et de la faune, et dans des paysages à la fois cultivés et sublimes, du microcosme des différents flocons de neige aux vastes étendues de terrain oublié. Des œuvres d’art de diverses cultures sont reproduites pour communiquer des connaissances historiques, et des vues romantiques de ruines évoquent l’attrait de l’Antiquité. Une gamme ethnographique de femmes et d’hommes, leurs us et coutumes, sont également abordés dans un vocabulaire pictural orientaliste.

En 1891, Jackob Freud, père de Sigmund Freud, offre à son fils à l’occasion de ses 35 ans, un exemplaire de la seconde édition de la Bible de Philipsson. Cet ouvrage l’avait marqué dans son enfance, au point de provoquer chez lui, vers l’âge de 8 ans, un rêve d’angoisse mettant en scène sa mère Amalia : « [Le rêve] me montrait ma mère bien-aimée avec une expression du visage singulièrement calme et endormie, qui est portée dans la chambre et étendue sur le lit par deux (ou trois) personnages à bec d’oiseau. Je me réveillai en pleurant et criant et perturbai le sommeil de mes parents. Les figures à bec d’oiseau très allongées – drapées de façon singulière –, je les avais empruntées aux illustrations de la Bible de Philippson ».

Le projet Histoire naturelle de Philippson se compose d’une série de six dessins au noir de fumée qui reproduisent l’ensemble des images de flore contenues dans la bible de Philippson ainsi que la page détaillant les formes des flocons de neige. Les illustrations sont accompagnées de deux portraits de Philipsson et de Freud.
Les images surgissent de la suie déposée sur la feuille pour reconstituer une sorte d’herbier comme les empreintes figées dans le temps des plantes fossilisées. Mais à l’inverse des plantes fossilisée, conservée pendant des millénaires dans la pierre, les dessins au noir de fumée dégage une grande fragilité, risque l’effacement évoquant par là la fragilité de notre pensée, sa volatilité, ses revers inconscient comme les rêves que nous faisons la nuit et dont nous tentons de nous souvenir inexorablement. Le noir de fumée révèle une sorte d’invisibilité de ce qui nous constitue, et de ce qui nous construit. 

Dessin au noir de fumée sur carton vergé 16,59 x 22,42 cm, 2020.